Défricheurs de friches, quitte à prendre des risques

Catégorie : Etudes
Publié le : 3 juin 2013

Squats, aires de jeux ou terrains d'expression artistique, les friches industrielles sont régulièrement visitées voire investies. Or, le drame de Wattrelos rappelle le danger de ces lieux interdits. Pourquoi certains prennent-ils le risque ? Comment se fait-il qu'on puisse y pénétrer ? Reportage et rencontres.

 

La cathédrale industrielle se voit de loin. Dépouillée, vétuste, mais fascinante. Les Grands Moulins de Paris à Marquette-les-Lille, constituent certainement l'un des vestiges les plus impressionnants et symboliques de notre passé de mains noires. Géant de fer et de béton si unique qu'il a été inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

La meunerie a été arrêtée en 1989, mais depuis, rien n'a été fait. Alors toutes ces longues années, à leurs risques et périls, des intrus l'ont visitée.  Des jeunes qui squattent ou s'amusent, des joueurs de paintball, des graffeurs, des photographes subjugués par le lieu.  à la mairie de Marquette, on est soulagé qu'il n'y ait jamais eu de drame. On précise :  La sécurisation du site incombe au propriétaire privé. Mais on constate :  Le site est fermé, mais ceux qui veulent rentrer y arrivent toujours. C'est si grand qu'il est impossible à surveiller efficacement. 

 

 

Monstre squelettique

Nous avons essayé d'y pénétrer. Simple. L'immense friche est grillagée mais une porte a été forcée. On la prend, on piétine des détritus puis on traverse une végétation dense. On lève la tête, le monstre squelettique est proche. Mais une dernière enceinte de béton nous retient. Si nous ne nous aventurons pas, une chaise plastique brinquebalante montre que beaucoup ne reculent pas pour si peu.

Sur le Net, les photos prises à l'intérieur sont nombreuses. Clandestines puisque la mairie, souvent sollicitée, refuse toute demande d'entrée. Amélie affirme :  Les Grands Moulins, c'est le lieu où on va quand on a envie de se lancer dans l'urbex.  Urbex, comme exploration urbaine (de l'anglais urban exploration). Simple déambulation ou, pour Amélie et beaucoup d'autres, photographie. Une artiste, allez voir sur son site (myurbex.fr).  Je ne suis pas très paysage, j'aime les lieux industriels, qui ont vécu.  Avec d'autres passionnés, ils se donnent rendez-vous sur Facebook et partent explorer des lieux. Le dernier en date, la prison de Loos.  Un Graal, l'endroit où je rêvais d'aller. C'est tellement rare que des Allemands et des Hollandais sont venus exprès.  (La Voix du Nord aussi y a fait un reportage). Dans la quasi totalité des sites, il y a une brèche, nous explique-t-elle. Du danger aussi :   Mais moi, je ne suis pas une téméraire. Si j'ai des doutes sur un escalier, je ne vais pas monter. Et je suis accompagnée. Ceux qui y vont seuls sont des inconscients. 

Tchernobyl, le rêve

Amélie n'a jamais eu ou vu d'accident, n'a jamais fait de mauvaise rencontre ni n'a été interpellée par la police.   Dans le pire des cas, je suis tombée sur des gardiens qui nous ont dit de partir.  Ces lieux la fascinent : son rêve ultime, se rendre à Tchernobyl, en Ukraine.  Là-bas, il y a carrément des villes entières abandonnées.  Comme s'il y avait une forme de beauté dans le délabré.  Il y a même des photos de mannequins qui se font dans ces sites.  Depuis de nombreuses années, le Roubaisien Benjamin Duquenne, lui, graffe dans les friches.  On trouve des murs qu'il n'y a pas ailleurs. On peut par exemple composer avec la végétation qui a repoussé.  Il est artiste de profession et sur son site a posté quelques-uns de ses travaux réalisés en friche. Beau mais risqué ?  On sait qu'on rentre dans l'illégalité. Mais on est très vigilant. Jamais la nuit, rarement seul, un téléphone et une lampe torche sur soi. On va faire très attention aux pièces fermées, aux flaques d'huile. Ou si l'on sent une odeur soufrée ...  Pas question pour Michel Pacaux, maire de Frelinghien, de laisser faire. Lui, c'est les joueurs de paintball qu'il a dans la ligne de mire.   Tous les week-ends, j'en ai trente ou quarante qui viennent se distraire dans une ancienne teinturerie. C'est beaucoup trop dangereux pour eux. Et puis il y a des passants qui ont été touchés par des balles de peinture. Alors régulièrement, le dimanche, je viens monter la garde. Mais un jour, je vais prendre un gnon.  Â•

PAR LAURENT DECOTTE

region@lavoixdunord.fr
PHOTOS éDOUARD BRIDE, ARCHIVES PHILIPPE PAUCHET ET PIB, REPROS  LA VOIX 

Source : www.lavoixdunord.fr

Articles Récents

A NANTES, LES FRICHES ALSTOM SE MUENT EN PÔLE DU NUMÉRIQUE ET DE LA CRÉATION

Près de 50 millions d’euros d’investissements publics et privés pour réhabiliter les anciennes friches industrielles de Nantes.

BROWNFIELDS MOBILISE 100 MILLIONS POUR RECONVERTIR LES FRICHES POLLUÉES

Cette société d’ingénierie agit en tant qu’investisseur sur les zones polluées, qu’elle acquiert, nettoie et aménage, pour mieux les revendre. De l’usine...

RECONVERSION DE LA FRICHE CADDY À WILLEMS: DU RETARD À L’ALLUMAGE…

Prévue ce mardi, la remise des clefs du pôle accueillant une salle de spectacle, une médiathèque et diverses salles pour les associations, est reportée sine die. Selon la municipalité, les mauvaises surprises...

Demande de rappel